Le dernier rapport publié par The Shift Project, le think tank fondé par Jean-Marc Jancovici, dresse un constat sans appel : malgré la conscience écologique croissante des Français, la voiture individuelle reste reine. Entre habitudes bien ancrées, manque d’alternatives crédibles et freins financiers, la transition vers une mobilité plus durable semble encore lointaine.
Une dépendance automobile toujours bien ancrée
Selon l’étude, plus de 80% des déplacements quotidiens en France se font encore en voiture. Pourtant, 73% des Français se disent inquiets pour l’environnement, et 82% estiment déjà adopter un mode de vie “sobre”. Une contradiction étonnante, mais révélatrice : pour beaucoup, la voiture reste un symbole de liberté et de sécurité.
Les Français reconnaissent d’ailleurs rarement abuser de leur véhicule : seuls 19% admettent “trop l’utiliser”. Dans les faits, la majorité considère la voiture non pas comme un luxe, mais comme une nécessité, surtout dans les zones périurbaines ou rurales.
Un manque criant d’alternatives fiables
The Shift Project évoque également la faiblesse du “capital mobilité” : peu de citoyens savent réellement combiner plusieurs modes de déplacement (transports en commun, vélo, covoiturage). Les trajets multimodaux demandent de la planification, de la flexibilité et souvent… des infrastructures adaptées, ce qui manque dans de nombreuses régions.
Même dans les zones bien desservies, les transports collectifs sont parfois perçus comme contraignants, imprévisibles ou stressants. Résultat : près de 85% des déplacements en zones semi-urbaines ou moyennement denses s’effectuent encore en voiture personnelle.
La fracture économique et sociale s’élargit
Au-delà des habitudes, le frein principal reste économique. L’étude montre que les ménages les plus modestes roulent en moyenne 7 000 km par an, soit bien moins que les plus aisés (environ 12 000 km). Pourtant, ils polluent davantage : leurs véhicules sont plus anciens, consomment plus et nécessitent un entretien coûteux.
À l’inverse, les foyers les plus riches peuvent se tourner vers les véhicules hybrides ou électriques, mieux subventionnés et moins polluants. La mobilité durable devient donc un privilège,, faute de solutions accessibles pour tous.
Le prix des modèles électriques reste l’obstacle numéro un. L’étude note une baisse de l’intention d’achat : en 2025, seuls 22% des Français envisagent de passer à l’électrique, contre 32% en 2022. Le manque de petits modèles abordables (à moins de 15 000 €) freine sérieusement la transition.
Repenser la mobilité au-delà des discours
Pour The Shift Project, la transition écologique ne peut pas reposer sur les intentions individuelles. Elle doit s’appuyer sur des décisions structurelles : investissement massif dans les transports collectifs, aides à la conversion pour les faibles revenus, et apparition d’une offre électrique populaire.
Les trajets du quotidien représentent près de 14% des émissions de CO₂ nationales. Tant que la mobilité restera dépendante de l’autosolisme, la France aura du mal à atteindre ses objectifs climatiques.
Plus qu’un changement de véhicule, c’est un véritable changement de modèle de déplacement qu’il faut engager — un modèle plus sobre, équitable et réaliste, adapté aux contraintes économiques des ménages.

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